5e SÉANCE – 26 mai 2018 – (séance de l’après-midi)
COMPTE RENDU
Caractère et Tempérament
intervenants: Christophe Labrousse – Émilie Michel
PRÉSENTATION DE MME ÉMILIE MICHEL
Mme Michel, psychopédagogue, coach parental dont le cabinet est à Niort, accompagne les parents sur tout ce qui concerne la parentalité. Chaque famille construit son projet familial, et parfois, cela coince : Émilie Michel intervient dans ces moments délicats. Elle accompagne les enfants du tout petit à l’adolescent et les parents quand ils ont des difficultés. Elle travaille avec des professionnels de l’enfance : associations, écoles de parents, crèches sur leur posture et leur positionnement par rapport à l’enfant.
Christophe Labrousse, qui a rencontré Mme Michel en octobre 2017, a pu apprécier qu’elle travaillait dans le même esprit que le Cercle des Parents pas Carrés. Il indique à Émilie Michel le fonctionnement de l’école des parents Le Cercle des Parents pas Carrés qui a démarré officiellement le 16 septembre dernier et se réunit tous les deux mois, le samedi matin, pour échanger sur des thèmes très précis. Il s’agit d’un échange entre les personnes présentes et Christophe Labrousse qui joue le rôle de chef d’orchestre, l’objectif étant de pouvoir envoyer des comptes rendus structurés au Conseil départemental. L’association Le Cercle des Parents pas Carrés est importante dans la mesure où il n’y a pas à proprement parler d’école des parents dans notre département des Deux-Sèvres.
Christophe Labrousse souhaiterait désormais impulser une dynamique pour aider les familles et les enfants : « L’association existe, elle est à la disposition des parents, à eux de faire la démarche de venir nous rencontrer, ce qui n’est pas si facile. Les séances ne sont pas des cours ex-cathedra ; il s’agit ici d’échanger et de trouver ensemble des réponses aux questions. Le cas de chacun est fonction de son histoire. Il n’y a pas quelqu’un qui détient la bonne parole. Nous sommes dans la discussion et nous apportons des réponses collégiales. »
Emilie Michel donne alors des précisions sur sa manière de travailler et explique que ce qu’elle peut apporter est la possibilité de voir la face cachée de l’iceberg et de ne pas se contenter de voir le visible. L’objectif de son travail dans les ateliers avec les parents n’est pas de créer la dépendance mais, au contraire, de les rendre autonomes dans leur capacité à analyser le côté invisible de l’iceberg et cela s’apprend.
CL : estime que c’est une nécessaire prolongation de l’action de l’école des parents. Il ne suffit pas d’identifier le problème, il faut apporter des réponses. Les conférences débats suffiront à certaines personnes, mais d’autres éprouveront le besoin d’aller plus loin. C’est pourquoi il est essentiel de travailler avec des professionnels. « Il ne faut pas oublier que nous agissons en fonction de ce que nous sommes et que nous sommes des individus uniques. Vous avez donc un rôle important à jouer auprès de nous si vous en êtes d’accord. »
Certains parents présents ont indiqué que les débats leur apportaient beaucoup car ils se sentaient moins seuls, mais ils estiment qu’ils ont également besoin de connaissances et de réponses pour agir.
EM : pense que pour faire un choix éclairé, il faut posséder les connaissances nécessaires pour le faire et voit son rôle comme une sorte de pont entre la théorie et les problèmes des parents, c’est-à-dire la réalité.
CL : rappelle comment il travaille durant les séances de l’école des parents : « Je note le thème au tableau et demande ensuite à chacun de me donner un mot que le thème évoque pour lui. À partir de là, nous construisons notre réflexion ensemble. Comme vous le voyez, je ne suis pas en faveur du Powerpoint pour ce genre de travail, il est trop impersonnel et figé, coupe le lien avec les auditeurs et m’empêche de me concentrer sur le débat. Nous adressons nos comptes rendus au Département, au ministère des Familles et, selon, à celui de l’Éducation nationale. Notre école dispose de ses propres locaux, ce qui est un plus, mais nous devons nous organiser rapidement pour délocaliser nos permanences afin d’aller au-devant des parents. J’ai demandé à disposer d’un bureau à la Maison du Département à Niort deux heures par semaine pour accueillir et aider bénévolement des parents en difficulté. Ceci nous permettrait de démarrer les permanences dans cette ville dès la rentrée. Par ailleurs, il y aura une permanence de deux heures le vendredi après-midi à Melle à partir de septembre. Dès ce moment, au-delà des rendez-vous individuels nous pourrons réorienter, lorsque c’est nécessaire, les parents vers des professionnels. Trop de parents sont aujourd’hui dans le questionnement et la recherche du thérapeute qui va répondre à leur problématique. »
Émilie Michel : « Je suis sur le temps présent et sur l’avenir. Je ne suis que sur le conscient. Parfois les gens qui ont vécu un trauma n’arrivent pas à mettre les choses en place ; nous sommes alors dans l’inconscient et, dans ce cas, moi-même je vais réorienter. Là on est sur un travail thérapeutique. Je vais voir ce qui coince dans la propre histoire du patient. Quand c’est trop profond, je réoriente en fonction de la situation vers un thérapeute. Ce peut être vers un hypnothérapeute. Une fois que le champ est dégagé, on va pouvoir travailler. »
DÉBAT
Christophe Labrousse a demandé aux personnes présentes de lui indiquer un mot qui leur fait penser au thème de la séance : tempérament et caractère.
Liste des mots indiqués :
Manipulateur comédien conflit
Flemme provocation
Identité, recherche acceptation
Coléreux mensonge
Gènes
Très actif
Etiquette
Impulsif
Prédiction
CL : « J’ai envie de démarrer sur identité, recherche de l’identité. Faire comprendre aux autres qui on est. Il y a la notion de partage, d’être qui sont des notions importantes pour définir une identité et un tempérament. »
Flemme : le parent qui a donné ce mot donne l’exemple d’une jeune fille se caractérisant par une flemme qui l’empêche d’avancer dans la vie et conduit cette jeune fille jusqu’à se négliger. Elle n’a pas toujours été comme cela. En fait, il ne lui reste plus de temps pour vivre, s’alimenter ou s’occuper d’elle à cause du temps passé devant un écran (jeux). Idem pour les devoirs, elle fait juste ce qu’il faut pour ne pas redoubler.
ÉM : « Cette jeune fille a mis en place un mécanisme de défense. Nous sommes dans la partie invisible de l’iceberg. Dans le cas d’un adulte, la démarche est qu’est-ce que je pense de moi, des valeurs auxquelles je crois ? Dans le cas d’un enfant ou d’un adolescent, c’est le regard que l’on porte sur eux qui est déterminant. C’est le regard narcissique. Je ne fais pas mais je ne peux pas faire autrement. L’écran donne la sensation d’être heureux. Alors que l’effort couronné de succès, de réussite, va donner de la confiance en soi. »
Intervention d’une personne du public : On dit d’un enfant qu’il tient de sa mère ou de son père ou de quelqu’un d’autre dans la famille. Est-ce que le fait de le lui dire a une influence sur son comportement ?
ÉM : oui. Je vais vous parler de l’effet Pygmalion (également appelé effet Rosenthal).
Une expérience a été menée en laboratoire il y a une dizaine d’années sur des rats. Les chercheurs ont fait croire à des étudiants qu’ils allaient effectuer une expérience sur des rats dans une situation d’apprentissage dans un labyrinthe. Ils ont volontairement inversé les données et fait croire à un groupe d’étudiants que les rats qu’ils recevaient pour l’expérience étaient sélectionnés sur la base d’une intelligence supérieure, ce qui était faux, alors qu’ils prétendaient à l’autre groupe d’étudiants que leurs rats étaient d’une médiocre capacité intellectuelle, ce qui était également faux. L’étonnant est qu’à la fin, les résultats étaient vraiment inversés : les rats soi-disant intelligents étaient au final plus performants que les rats soi-disant idiots. L’élément crucial qui est entré en jeu est le fait que les étudiants aient été convaincus.
« Cela peut jouer aussi à l’école. On sait aujourd’hui que des élèves appartenant à des groupes dits stigmatisés réussissent moins bien à l’école. Un professeur convaincu qu’un élève est un bon élève va inconsciemment le soutenir plus. Alors que s’il est convaincu du contraire, il l’aidera moins et personne n’est à l’abri de ça.
Alors quel est l’impact lorsque l’on dit à un enfant : tu es comme ton père ou tu es comme moi ? On vient étiqueter l’enfant et il va répondre aux attentes inconscientes des parents.
D’une certaine manière, cela rassure les parents. Ils ont l’impression de mieux connaître leur enfant et de comprendre pourquoi il réagit de telle ou telle façon. »
La transmission intergénérationnelle
À ce sujet, le dernier ouvrage de Mme Michèle Bromet-Camou, « Guérir de sa famille par la psychogénéaolgie » est particulièrement intéressant. Elle aborde la transmission intergénérationnelle qui concerne le lien de filiation entre les individus d’une même lignée. Cette transmission s’effectue de manière subtile, implicite, indirecte ou inconsciente. Elle est façonnée par des idées et une histoire familiale qui passeraient au travers des générations, par des phénomènes qui ont eu lieu notamment en cas de traumatismes vécus et non surmontés.
Souvent les maux dont nous souffrons ne nous appartiennent pas. Ils sont l’héritage inconscient d’une histoire familiale dont nous endossons le poids qui nous fait répéter et mettre en acte des situations que nous n’avons pas choisies
Intervention d’une personne du public : Si un parent est très doué en mathématiques par exemple, est-ce que son enfant sera également doué dans cette matière ?
CL : non. Là nous abordons le domaine complexe de l’épigénétique qui, en matière d’évolution, permet d’expliquer comment des traits peuvent être acquis, éventuellement transmis d’une génération à l’autre ou encore perdus après avoir été hérités.
ÉM : « Les chercheurs étudient actuellement les nourrissons. Certains sont plus sensibles à la lumière, d’autres à la chaleur, etc. C’est comme si ces bébés représentaient une sorte d’esquisse de base, une matrice sur laquelle vont se construire les identités. Dire à un enfant : tu es comme cela, c’est l’empêcher d’évoluer. L’enfant est en cours de construction de son identité. »
Impulsivité. La personne qui a indiqué ce mot explique que, pour elle, le mot tempérament évoque quelqu’un qui fonce, qui est impulsif. Et on le lui a dit dans son enfance avec un côté plutôt négatif : tu as du tempérament, tu es trop impulsive : « En fait, j’ai grandi avec l’impression qu’avoir du tempérament, c’était négatif et ce n’est que très récemment que j’ai appris que cela pouvait avoir un autre sens. Tout dépend du contexte dans lequel on emploie ce mot.
Personnalité : tempérament, caractère et personnalité, trois concepts qui sont utilisés de manière différente pour exprimer des façons de penser et de ressentir.
CL : En psychologie, on considère classiquement que la personnalité est le résultat de l’interaction de deux grands domaines : le tempérament et le caractère. Le tempérament est l’ensemble des réponses automatiques aux stimulations émotionnelles qui forgent les habitudes. D’origine plutôt héréditaire, il manifeste une bonne stabilité de l’enfance à l’âge adulte. Le caractère, à l’inverse, est plutôt influencé par l’apprentissage socioculturel et mûrit par étapes jusqu’â l’âge adulte. Il reflète l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes et des autres, idée qui influence nos intentions et nos attitudes volontaires.
EM : n’est pas d’accord avec cette définition. Pour elle, le caractère est une réaction émotionnelle apprise pendant l’enfance.
CL : s’étonne que la théorie des tempéraments d’Hippocrate soit encore utilisée de nos jours dans certaines disciplines étudiant le caractère (tempéraments lymphatique, sanguin, bilieux et nerveux).
Pour résumer :
Le tempérament est la base constitutionnelle. Lorsque nous parlons de tempérament, nous faisons référence à cette partie innée de notre personnalité déterminée par notre héritage génétique. Le tempérament est considéré comme la dimension biologique de notre personnalité. C’est le facteur de la personnalité qui se manifeste en premier.
En étant d’origine génétique et le fruit de la constitution héréditaire, le tempérament est difficilement modifiable, manipulable ou changeable par les conséquences.
La personnalité est le résultat de la somme du caractère (tempérament et habitudes apprises) et du comportement. En fait, elle englobe tous ces aspects. Elle est la conséquence des influences environnementales auxquelles est soumis le sujet. La personnalité est une caractéristique de la personne qui reste stable au cours du temps et des situations.