Ce Mot du Pédagogue s’adresse aux élèves et à leur(s) famille(s).
Nous n’oublierons pas de si tôt ce début d’année 2020… Qui aurait pu imaginer, au moment de se souhaiter le vœux, que nous allions vivre cette arrivée du printemps confinés chez nous, pendant des semaines, afin de nous protéger de cet ennemi invisible qui commet tant de victimes ?
Ce que nous vivons ne laissera personne indemne, et chacun en ressortira grandi, d’une manière ou d’une autre, plus ou moins douloureusement.
Je dis toujours à mes élèves que ceux qui avanceront dans notre société seront ceux qui feront preuve d'”adaptabilité” dans n’importe quelle situation ; c’est bien le cas aujourd’hui. Il faut savoir accueillir une situation qui nous est imposée et la transformer positivement. On ne nous demande pas de faire un choix ; c’est ainsi. Alors, autant l’accepter et trouver la clé qui donnera du “sens” à ce confinement. Sachons déjà créer du “lien” avec celles et ceux que nous aimons et qui vont partager notre quotidien pendant des semaines.
Je sais que chacune et chacun d’entre vous font ce qu’ils peuvent : je m’adresse à la fois aux parents, aux familles d’accueil et aux enfants. Alors, quand j’entends à travers les médias qu’il faut assurer une “continuité pédagogique” pendant ce confinement, je suis d’accord, mais pas à n’importe quel prix… Attention… Chaque enfant, avec son histoire, avec ce qu’il “est”, va essayer de faire de son mieux, mais en vain… Certains seront incapables de se mettre réellement au travail car ils ne sont plus dans le milieu scolaire (ou “cadre” scolaire) qui les sécurise ; de plus, travailler sans la présence physique et professionnelle du professeur peut relever du parcours du combattant… En effet, nous sommes éducateurs parentaux ou éducateurs scolaires, mais pas les deux à la fois. Lorsque j’ai entendu à la radio que la continuité pédagogique allait se poursuivre à la maison je me suis dit que c’était une façon de mettre les professeurs dehors… Peut-être pour les préparer à un avenir prometteur pour les écrans… Quelle catastrophe… C’est un véritable leurre… Les enfants auront toujours besoin de la présence d’un professeur, d’un “professionnel” de l’éducation, à leur côté pour avoir une ou plusieurs explications, pour reformuler un cours, lancer des discussions qui les construiront intellectuellement, etc. Ne jetons pas ce que nous appelons communément la “pédagogie”…
Durant cette période de confinement, les enfants sont inquiets, souvent incrédules face à un virus mortel, face à de telles mesures mises en place ; ils peuvent se montrer angoissés, remplis d’une émotion qu’ils ne sont pas capables d’exprimer. Humainement, ils sont touchés par ce qui nous arrive.
Alors, chers parents, à Savio nous avons décidé d’envoyer du travail scolaire toutes les semaines ; cependant, à vous, avec vos enfants, d’établir un emploi-du-temps défini avec des horaires, des rites, en suivant de préférence les fondamentaux de l’emploi-du-temps saviotin (Fançais – Maths – Langues vivantes, le matin ; les autres disciplines, l’après-midi), ce pour respecter le rythme biologique des enfants. Mais cet emploi-du-temps, vous l’établissez selon le fonctionnement de votre vie de famille ; écrivez-le ! Il se présentera comme un “contrat d’engagement”, et non comme un règlement. C’est vous, en tant que parents, qui donnerez votre rythme de travail.
Vous vivrez des instants difficiles – c’est la cohabitation – et des moments heureux ; mais chacun doit s’ajuster, donc “s’adapter” à cette situation inédite. Cette période que nous traversons n’est pas propice à l’équilibre de nos élèves. Nous vivons un moment de “rupture” avec le passé.
Une fois cet épisode derrière nous, en tant que pédagogue, je sais pertinemment que j’aurai à adapter mon discours, à répondre à de multiples nouvelles questions, à insister sur certains termes comme “humilité”, “résilience” ou “solidarité”, que je ne travaillerai plus de la même manière. Je n’oublierai pas de prendre en compte l’aspect émotionnel si destabilisant qu’auront ressenti les enfants.
Une “continuité”, comme on en parle sur les ondes, n’est donc pas possible.
Alors que nous sommes en période de confinement, mes exigences sont plus modestes ; je les ai réduites malgré tout. La situation n’est pas “normale”…, ne l’oublions pas. Rassurons nos enfants ; cocoonons-les ; jouons avec eux ; fabriquons de nos matins ensemble ; créons ; réinventons une nouvelle façon de vivre en famille. “Ne rajoutons pas de stress au stress”. Chacun fait ce qu’il peut pour le travail à la maison. On ne fait l’école que dans une classe : rien ne vaut l’échange et la relation humaine !
Enseigner, c’est un métier ; mais être parent n’en est pas un… Etre un parent, c’est savoir cumuler tous les métiers que l’on peut trouver dans un cirque (on jongle ; on est équilibriste ; on fait du trapèze volant ; on joue les clowns, etc.).
J’attends le moment où nous pourrons tous nous retrouver à Savio pour terminer cette année scolaire si particulière. Là, nous aurons tous évolué !
Christophe Labrousse
Directeur-Fondateur de l’École-Collège Savio