LANCEMENT DE L’ÉCOLE DES PARENTS
Discours de Christophe Labrousse – 25 mars 2017
La charge que j’ai occupée durant trois ans, en tant que vice-président des affaires scolaires, à la Comcom du Mellois m’a permis de rencontrer de nombreux professionnels : des juges pour enfants, des juges aux affaires familiales, des psychologues, des enseignants… et, dans le cadre de l’émission que j’anime sur D4B, des parents ont eu la possibilité d’évoquer différentes thématiques et de me poser des questions. Tout cela m’a amené à penser qu’il était temps de relancer l’École des Parents pas Carrés créée de manière informelle en 2003.
Nous en sommes désormais au stade de formaliser notre association en déposant des statuts, ce qui est fait, et élire un bureau ce qui sera fait courant avril. Il faut également disposer d’un lieu reconnaissable. Ce seront les locaux du collège Savio où il n’y a personne le week-end et où les parents peuvent se retrouver, discuter et assister aux réunions et tables rondes qui y seront organisées.
Nous installerons une bibliothèque spécialisée et vous communiquerons la liste des ouvrages disponibles. Les résultats de nos travaux seront adressés au ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes. Il est à remarquer que l’on parle désormais de ministère des Familles et non plus de la Famille, ce qui paraît plus approprié étant donné les différents modèles familiaux existants. Le but de la création de cette association est de pouvoir répondre aux questions que vous vous posez en tant que parents et d’aborder les thématiques qui vous concernent.
Nous n’oublierons pas les grands-parents qui ont un rôle capital à jouer, différent de celui d’il y a trente ans. Une session sera prévue pour eux afin de préciser les limites de leur intervention, car ils ne sont pas là, sauf disparition des parents, pour élever leurs petits-enfants.
La journée se déroulera en deux temps : ce matin dans les locaux du collège Savio et cet après-midi dans la salle des Fêtes de Saint-Léger de la Martinière où aura lieu une conférence sur le thème : comment conserver les clés du dialogue avec les adolescents.
L’évolution de la société
La société a énormément évolué, elle est en pleine mutation et les victimes en sont les enfants parce que les adultes sont happés par leurs activités professionnelles et ont du mal à suivre. La technologie, en premier lieu, est un handicap pour les parents. Nos enfants sont nés avec et ils ont dans le cerveau une case qui correspond à ce type d’activité. Chez les parents, ce n’est pas inné. Le problème est que cela les fait passer aux yeux de leurs enfants pour des « has been ».
Il y a cinquante ans, aucun parent ne se trouvait dans la situation de demander de l’aide à son enfant pour un problème informatique par exemple. Aujourd’hui, ils sont amenés à le faire. Du coup le parent qui doit toujours rester maître du jeu ne l’est plus lorsqu’il rencontre un problème d’ordinateur.
Nous sommes dans une société dans laquelle tout va très vite et où une information n’attend pas l’autre. Nous ne devons pas, nous autres adultes, faire partager nos problèmes à nos enfants et les placer à notre niveau. Aujourd’hui, les jeunes générations font des enfants pour s’amuser, pour avoir des jouets. Or, un enfant demande beaucoup d’attention. Il va grandir et devenir autonome et les jeunes parents ne comprennent plus.
Des enfants qui grandissent sans cadre sécurisant et dans la toute puissance deviennent des enfants tyrans. Il n’y a pas plus malheureux que ces enfants-là. Ils ont mis en place une stratégie, consciente ou pas, pour signaler à leurs parents qu’ils sont en danger. Là, l’école des parents a un rôle à jouer.
Je suis inquiet de voir la violence s’installer chez nos jeunes enfants. Je me suis rendu jeudi dernier à l’école de Saint-Léger de la Martinière, faire un tour à la cantine comme je le fais régulièrement. Il y avait des cris, du bazar et j’ai trouvé des agents démunis devant cette situation. Pour reprendre la situation en main, il ne faut pas être avare de gestes apaisants et s’adresser aux enfants en parlant de moins en moins fort. Au final, lorsque l’on a pu s’entendre à nouveau, je leur ai demandé pourquoi ils manquaient de respect au personnel. Le personnel leur aurait-il manqué de respect à eux ? Non bien évidemment. Alors pourquoi vous conduisez-vous de la sorte ?
Ils ont conscience de ce qu’ils font. Ils ont besoin d’avoir un cadre et c’est ce que nous allons leur donner. Le cadre est une colonne vertébrale qui les sécurise et va leur permettre d’avancer et d’avoir conscience de leurs actes. Tout, tout de suite, ce n’est pas possible. Or la génération de nos enfants ne connaît que cela. Les réseaux sociaux c’est tout, tout de suite. Il nous faut remettre les pendules à l’heure et arrêter de les servir, car de la sorte on les dessert. Nous ne devons pas devenir l’objet de nos enfants.
C’est la mère qui donne tout de suite l’énergie à son enfant. C’est pourquoi l’enfant abandonné ou adopté aura toujours des carences qu’il sera impossible de combler. Cette chaleur, cet amour apaise l’enfant. Les enfants sont violents aujourd’hui à cause des images qu’ils se prennent en pleine figure, mais pas seulement. L’un des premiers objectifs de l’école des parents sera de comprendre pourquoi les enfants sont violents. On n’arrive pas à éradiquer cette violence. Que nous manque-t-il comme outil, à nous parent, pour calmer le jeu ?
Il faut essayer de faire comprendre à nos enfants que les réseaux sociaux c’est compliqué. Il est important qu’ils en perçoivent les dangers pour ne pas en être les victimes.
Trouver l’équilibre de l’enfant quel que soit le modèle familial
Nous possédons deux jambes. S’il en manque une, nous perdons l’équilibre. Pour les parents, que cela plaise ou non, c’est la même chose : l’enfant a besoin de ses deux parents. Si je regarde les modèles familiaux actuels nous avons :
La famille traditionnelle avec deux parents
La famille recomposée avec deux parents séparés mais une belle-mère ou un beau-père. Le rôle de la belle-mère n’est pas facile. D’ailleurs, il n’est jamais facile, il suffit de lire les contes de Perrault ou des frères Grimm pour s’en rendre compte.
La famille monoparentale avec des parents séparés et un papa complètement absent la plupart du temps. Pour que l’enfant soit équilibré, il faut qu’il y ait dans l’entourage de la maman un modèle masculin pouvant servir de référent : un oncle, un grand-père quoique je ne sois pas trop en faveur du grand-père, il a une autre responsabilité à assurer, un ami. Ce peut être un parrain, sans forcément d’implication religieuse, le baptême républicain reprenant ici tout son sens.
En tant que maire, lors de baptêmes républicains, je demande toujours au parrain ou à la marraine s’ils acceptent leur mission de parrain et pourquoi. Il faut donc que la maman puisse s’appuyer sur une personnalité masculine, sinon elle va devenir un véritable punching ball parce que les garçons ont besoin de repères et de s’identifier, plus que la fille qui est naturellement séductrice et sait où elle va dès le départ. Le garçon a besoin d’exemplarité.
La famille homoparentale nécessitant un référent soit masculin, soit féminin selon le sexe du couple, car les enfants vivant dans ce cadre sont en perte de repères.
La Famille d’accueil, dont on ne parle jamais. Aujourd’hui de plus en plus d’enfants sont confiés à des familles d’accueil par ce que les parents se trouvent débordés et baissent les bras. On parle de crise d’adolescence mais en fait la première crise c’est quand l’enfant dit non, c’est sa première marque d’indépendance et plus on va enseigner des choses à nos enfants, plus ils vont devenir libres.
L’école n’est pas là pour faire de nos enfants des moutons de Panurge et il faut arrêter de baisser le niveau scolaire : on est en train de fabriquer une génération d’adultes qui ne sauront plus penser par eux-mêmes. Faites attention à la télévision et aux médias qui nous manipulent de façon éhontée. Nous ne rencontrons pas de problèmes avec les familles d’accueil, sauf qu’aujourd’hui les juges exigent que ces enfants revoient leurs parents à raison de deux ou trois heures par mois. Quand on sait que ces enfants ont été violés, battus, drogués ou qu’on leur a donné de l’alcool à boire, on s’imagine bien que les résultats de cette nouvelle politique ne donnent rien de bon et les familles d’accueil n’ont plus leur mot à dire. Quant à nous, éducateurs, nous ne pouvons plus sauver ces enfants parce que la situation n’est pas claire. Il va falloir que légalement nous puissions aider ces familles.
L’adolescence est un moment difficile parce que tout change. L’adolescent quitte le monde de l’enfance pour entrer dans celui de l’adulte avec tout ce que cela comporte d’ennuis. Toute la vie d’adulte est une question de choix, de priorités. Ce n’est pas évident de faire le bon choix. Nos enfants viendront toujours nous poser des questions, il faut les aider et leur expliquer comment et pourquoi faire tel choix.
L’important est de redonner du sens et faire comprendre à nos enfants ce qu’est le métier de parent. Il n’y a ni école, ni retraite, nous sommes des parents jusqu’à la fin de notre vie. On s’en accommode et il faut arrêter de culpabiliser les mamans parce que ou bien les papas travaillent beaucoup et n’ont que peu de temps de à consacrer à la famille ou bien ils sont absents parce que divorcés.
Depuis quinze-vingt ans les mamans s’en prennent plein les oreilles. Personne ne s’est posé la question de savoir pourquoi. Elles assument leur travail, la maison, les courses, le ménage et l’éducation des enfants. En tant que parents, il faut que l’on redonne du sens, qu’on se remette en question et que l’on se pose les bonnes questions : quel sens je donne à ma vie, quel sens je donne à l’éducation de mon enfant, quel sens je donne à sa vie.
L’école des parents doit vous permettre de savoir où vous en êtes aujourd’hui. Au collège Savio, quand on fait quelque chose on explique pourquoi et à quoi cela servira plus tard. Si on donne du sens, les enfants nous feront confiance et s’ils ont confiance, ils seront tranquillisés. N’oubliez jamais que les enfants sont à la recherche de nos failles ; c’est normal, cela fait partie du jeu, mais montrez-leur que derrière c’est solide.
Cependant notre mission première, sur laquelle il va falloir travailler rapidement, reste la violence qui touche des enfants de plus en plus jeunes. Ceux-ci sont malheureux d’être violents, certains l’expriment. Nous devons comprendre l’origine de cette violence si nous voulons leur apporter des réponses et trouver des solutions.
Les parents présents aujourd’hui sont les pionniers qui vont nous aider à bâtir l’école du Cercle des Parents pas Carrés. D’une manière générale, les parents sont de plus en plus demandeurs d’un soutien qui leur permette de résoudre les différents problèmes auxquels ils sont confrontés. Notre objectif à tous est de faire en sorte que nos enfants soient heureux et cette école des parents nous y aidera.